Aujourd'hui, il y a James Blunt, 32 ans et toutes ses dents. Aussi les très prolifiques et inventifs membres du groupe "Coldplay" ou encore, plus inconstants, ceux du groupe "Oasis". Sans oublier les ultra-vitaminés "Artic Monkeys" et les vigoureux "Franz Ferdinand".
Avant ces jeunes contemporains, il y avait eu les Rolling Stones et, bien sûr, les Beatles.
Je me souviens avec précision de cet été 1975. C'était mon premier séjour en Angleterre, à Londres, dans une petite maison de ville proche de Portobello road et de Notting Hill Gate. L'Angleterre, à cette époque, c'était vraiment loin : pas de tunnel sous la Manche. Il fallait prendre des trains, un bateau. C'était un vrai voyage.
Je séjournais dans une famille "very british" où les petits déjeuners représentaient pour moi le comble de l'exotisme, notamment ces haricots blancs baignant dans une sauce rougeâtre que l'on étalait sur des tartines. L'Angleterre reste pour moi à jamais attachée à ces haricots matinaux.
Dans cette famille, il y avait deux filles et un garçon de mon âge il s'appelait Ken mais il n'était hélas pas très causant surtout avec moi.
Il avait l'adolescence taciturne, Ken. Il ne s'intéressait qu'à sa petite moto qu'il bichonnait avec frénésie. Il avait pris le parti de m'ignorer, mais je parlais avec ses sœurs et ses parents.
Je me souviens cependant d'un jour où Ken est rentré chez lui le regard soudain illuminé. Il avait sous le bras un "33 tours" microsillon tout neuf. Le disque était un triomphe. C'était un album des Beatles sorti en 1967. Plus qu'un album : un concept et une réussite totale. Ken était heureux il avait enfin pu s’offrir « son album culte».
Il s'agissait de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band.
Je connaissais déjà ce disque mais je voulu jouer le jeu et le redécouvrir avec lui.
Ken a posé la galette de vinyle sur le "pick-up" familial et a poussé le volume au maximum. Ken ne parlait pas beaucoup mais aimait écouter la musique très fort. Ce fut magique dès la première écoute, nous étions au 7 ème ciel et nos visages rayonnaient de plaisir.
Plus de trente ans plus tard, la magie reste intacte. Toutes les chansons sont des merveilles. Mieux encore, c'est le premier album pop conçu comme un tout, comme une œuvre et non comme une juxtaposition de morceaux épars.
La pochette originale était magnifique. Elle contenait un grand poster du groupe et une feuille cartonnée à découper reproduisant les objets cultes choisis pour accompagner les chansons (en particulier les moustaches du fameux "Sergent Pepper").
J’ai possédé pendant longtemps mon exemplaire, acheté en Angleterre cet été-là. Il était en très bel état même si je l’avais beaucoup écouté. J'avais conservé aussi le poster et la feuille cartonnée non découpée. C'était un "collector", comme on dit. Et puis un jour je ne sais plus très bien pourquoi il m’a quitté pour un autre fan des Beatles, et je le regrette aujourd’hui .
Je possède maintenant ce même enregistrement en CD, il a moins de charme, moins d'allure en tant qu'objet.
C'est à Ken et à cet instant de découverte du "Sergent Pepper" et de son "club des cœurs solitaires" que j’ai repensé en achetant et en écoutant ce CD. .
Je ne sais ce qu'est devenu Ken. Moins lugubre, j'espère. Peut-être écoute-t-il encore, comme moi, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, en se souvenant de sa jeunesse.