Cimenterie à La Pallice

Accordé ! Hier, le préfet de Charente-Maritime a autorisé la société Ciments de La Rochelle à exploiter sa future installation de production de ciments et de liants hydrauliques. Projetée dans la zone portuaire de La Rochelle, cette implantation du groupe Holcim soulève pourtant de nombreuses oppositions dans le quartier de la Pallice, entre autres, et dans l'île de Ré. Vendredi dernier, plus d'une centaine d'opposants au projet étaient réunis à Rivedoux pour accueillir le directeur du port et celui de la Société des ciments rochelais, Nicolas Gauthier et Frédéric Amoroso. Autour d'élus rétais, les riverains ont rappelé combien ils ne veulent pas de cette construction trop visible depuis l'île, selon eux.

66 mètres de haut
Une opposition déjà formulée le 30 avril dernier. Le Conseil municipal de Rivedoux avait alors donné un avis défavorable à cette construction de 66 mètres de haut.

Mais ils sont un peu seuls face aux avis favorables des services de l'État, en mars, puis de la majorité des élus de la ville de La Rochelle, en avril, et du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), réuni le 19 octobre. Plus gênant encore pour les opposants, le commissaire enquêteur a lui aussi donné un avis favorable au terme de l'enquête publique, qui s'est déroulée du 22 mars au 22 avril dernier. Et pour cause, à l'époque le sujet ne faisait pas (encore) débat. Seulement neuf personnes se sont exprimées, plus le comité de quartier de Laleu la Pallice la Rossignolette.

« Je n'ai reçu aucun avis de Rivedoux malgré deux sollicitations téléphoniques », écrit le commissaire enquêteur, Michel Arnoult.

C'était avant que le Conseil municipal ne se prononce contre la cimenterie, le 30 avril donc. Trop tard ? A priori non, puisque tout avis est recevable « s'il est exprimé au plus tard dans les quinze jours qui suivent la clôture du registre d'enquête ».

Sauf que dans le cas présent, d'après la préfecture, la délibération ne lui est parvenue qu'en novembre, soit bien après que le commissaire enquêteur eut rendu un avis positif, sans aucune réserve.

« L'île de Ré n'a pas été saisie, seule Rivedoux l'a été et on était à l'époque encore dans les soucis de Xynthia », décode aujourd'hui Lionel Quillet, refusant l'idée que les élus se seraient « réveillés un peu tard sur un tel dossier ».

Début des travaux en avril
Président de la Communauté de communes de Ré, il avait hier soir une réunion de bureau avec les 10 maires concernés. « J'ai rajouté cet élément à l'ordre du jour », reconnaissait l'élu ne cachant pas sa volonté « de faire quelque chose ». Manifestation ? Procédure ?

Vendredi soir, Léon Gendre avait mobilisé l'assistance en appelant à manifester : « Il nous faut refaire et réussir ce qui a été réussi au Verdon contre le terminal méthanier. Il faut dès lors cesser de parler, il nous faut agir », avait lancé le conseiller général rétais pourtant parmi les premiers informés (!)

Comme le lui a rappelé le directeur du port - invité à cette réunion - Léon Gendre fait partie du conseil de surveillance. « C'est grotesque, il ne l'a pas découvert en octobre. Le conseil de surveillance est informé depuis deux ans, et lui aussi », ne manque pas de souligner Patrice Raffarin, alors que les deux hommes s'opposent pour les prochaines cantonales.

Pour le maire de Rivedoux, cette signature du préfet « attendue, ne va pas arrêter notre mobilisation, au contraire. Je reste très hostile à cette implantation ». Patrice Raffarin doit rencontrer cette semaine les associations opposées au projet, Respire et Ré Nature Environnement. L'élu reconnaissait même hier soir être « en train d'étudier avec des experts les possibilités d'un recours juridique ».

Pas de quoi inquiéter hier soir Frédéric Amoroso, qui n'attendait plus que ce feu vert préfectoral. Son permis de construire en poche, depuis février déjà, il ne lui manquait que cet élément pour lancer les travaux. « En avril », annonce le directeur du site.

Holcim, ses tours de 66 mètres, sa cheminée de 71 mètres, sa silhouette massive qui balisera demain l'horizon de l'île de Ré. Le futur centre de broyage du cimentier suisse sort de terre à La Pallice. Le chantier s'est accéléré depuis que le tribunal de La Rochelle a autorisé la reprise de la construction du premier silo, interrompue en janvier après la chute mortelle d'un jeune ouvrier. Selon le directeur du site, Frédéric Amoroso, le calendrier initial devrait être tenu pour une mise en service au second semestre 2013.

Mise en demeure
Pendant les travaux, les procédures continuent. Quatre associations et 80 personnes « ayant intérêt à agir » ont déposé un recours contre l'autorisation d'exploitation accordée par la préfecture à Holcim.


SON REGARD SUR LA PRÉSIDENTIELLE
SI FRÉDÉRIC JACK reconnaît « avoir programmé cette réunion la veille du second tour, en forme de clin d'œil » il n'est pas question toutefois de se positionner pour Sarkozy ou Hollande personnellement. « Nous avons écrit à de nombreux élus, au président de la République, au Premier ministre », mais le militant le sait bien, « quel que soit l'élu de dimanche, il ne répondra pas directement à notre attente […] Les lois qu'ils prendront ensuite peut-être ».

Le cimentier semble moins pressé de monter son dossier que ses silos. Ses avocats n'ont répliqué que tout récemment aux arguments des opposants et de leur conseil, Hervé Pielberg, du barreau de Poitiers. Et encore a-t-il fallu que le tribunal administratif de Poitiers les mette en demeure de répondre pour qu'ils s'exécutent. Pour Me Pielberg, il est clair que la multinationale joue la montre.

« Ils prennent un risque en poursuivant les travaux. Si le tribunal annule l'arrêté préfectoral, cela leur coûtera cher. Ils devront stopper le chantier quoi qu'il arrive, le recours n'étant pas suspensif. »

Le contentieux pourrait être plaidé à l'automne prochain.

Permis modificatif
De tout cela, il sera question samedi à La Flotte-en-Ré où Mat-Ré (Mer, air, terre de l'île de Ré) réunit son assemblée générale. L'association, qui revendique une centaine d'adhérents, fédère l'opposition à la cimenterie. « Nous allons faire un point juridique détaillé du dossier avant de passer aux rapports moral et financier », explique son président, Frédéric Jacq. Il dit avoir en main « quelques nouvelles cartouches » qu'il refuse de dévoiler pour ne pas les brûler trop tôt.

Il sera aussi question du permis de construire modificatif que la mairie de La Rochelle vient de délivrer au cimentier. En date du 4 avril et signé par Gilles Gautronneau, adjoint et conseiller général PRG du quartier, il réorganise le site dans un souci « de simplification et de meilleure intégration dans le paysage », dixit Frédéric Amoroso. « La tour de dosage disparaît, ainsi que la sous-station électrique. Toutes deux sont insérées dans le bloc de broyage, ce qui rend les bâtiments plus compacts. »

Du côté de Mat-Ré, on y voit surtout une simple modification technique qui n'allégera en rien la masse de béton. Mais qui pourrait éventuellement ouvrir la voie à un nouveau recours…

(1) Samedi 5 mai, 10 heures, base nautique de La Flotte-en-Ré.