Julien Clerc

A vingt jours de ses 61 printemps, Julien Clerc célèbre, avec la sortie de Où s’en vont les avions ?, ses quarante ans de carrière. Pourtant, il semble avoir toujours la même voix, la même tête, le même sourire. Dans un café du 7e, vêtu d’un t-shirt des Restos du coeur, d’un treillis et de converses, l’artiste que tout le monde apprécie, pour sa personne et/ou pour son travail, revient sur son parcours.

Vous avez changé de look…En 40 ans, vous êtes passé du babacool au sportswear chic…

(Rires. J’ai toujours aimé ça les vêtements. Dès 1968 pour mes concerts, j’ai eu la chance d’être habillé par de grands couturiers : Largerfeld, Rech, Montana, Hechter, Kenzo, Gaultier… J’aime bien le vêtement en général. Et puis, il y a eu les cheveux. A un moment, je n’ai plus supporté mes cheveux longs, j’ai tout coupé. Ca fait des années maintenant que j’ai la même coiffeuse, je lui dis quelle coupe je veux, on en discute, elle est très douée.

Comme Carla Bruni, avec qui vous avez travaillé, avez-vous cette angoisse de vieillir ?

Le temps est plus clément pour les hommes que pour les femmes dans cette histoire de temps qui passe. Et puis, notre métier est plutôt agréable pour accepter cette notion de temps. Je ne mets pas de crème antiride. Une chose que je regrette, ne jamais avoir mis de crème solaire. J’en mets maintenant, mais c’est sans doute trop tard.

Crème ou pas, vous plaisez bien aux femmes. Une connaissance ne s’est jamais remise de vous avoir vu nu dans Hair…

Je n’étais pas nu. J’avais un pagne représentant le drapeau anglais, certes minuscule, mais je n’étais pas nu. Je suis le seul à ne pas l’avoir fait à la fin du spectacle. Cette connaissance ne s’est sans doute pas remise du coup du pagne (rires).

Quarante ans de carrière, ça vous fait quoi ?

Je n’ai pas vu ces quarante ans passer. Je viens d’une famille d’intellectuels, d’universitaires, mon père est normalien….Je n’étais pas destiné à faire ce métier, je l’ai choisi. C’est là que l’autre partie de mon caractère s’est révélée. Mon côté travailleur et sérieux est apparu. J’ai alors compris que si je voulais rester un artiste toute ma vie, il ne fallait pas que je me disperse dans d’autres choses. Ce n’est pas la célébrité qui m’a motivé, mais le fait d’avoir été respecté et écouté.

Vous vivez à Paris, parvenez-vous à faire des choses sans être interpellé en permanence ?

Je ne suis pas très lunettes noires, pour moi, c’est le moyen de se faire remarquer. Par contre, je porte des chapeaux grâce auxquels je peux me promener et faire mes courses sans que ça me prenne des heures. Cela dit, parler avec les gens dans la rue ne m’est pas désagréable. Je ne suis pas de ceux qui se font critiquer à tout va ou que l’on embête.

Avez-vous des regrets par rapport aux collaborations que vous auriez pu faire ?

J’ai eu la chance de travailler pratiquement avec tout ceux avec qui j’avais envie de le faire, avec des résultats plus ou moins bons pour moi comme pour mon associé éphémère. Avec Gainsbourg par exemple, les chansons que nous avons faites ensemble n’étaient pas ce que nous avons fait de mieux. Il me l’a dit d’ailleurs, en sortant d’un dîner : « Je ne t’ai pas donné ce que j’avais de mieux et toi non plus d’ailleurs ». C’était un très bon résumé.

Pour cet album, vous avez convié du monde…

Il y a ceux qui sont là depuis longtemps, et les nouveaux que j’ai eu envie de mettre en avant et qui avait des qualités d’écriture incontestable dont j’avais besoin. Je suis compositeur, interprète et musicien, je ne suis pas auteur. Ca, c’est une affaire entendue. Ecrire des textes, je n’y arrive pas. Les uns m’ont donné leurs textes et j’ai composé dessus. Pour d’autres, le processus a été inverse. Une chanson est d’ailleurs très différente, que la musique ou que le texte commande. Evidemment pour moi, qui ai débuté avec Etienne Roda-Gil, auteurs aux textes atypiques, écrire la musique sur un texte est beaucoup plus simple. Il m’a donné un goût pour les textes chargés, signifiants et poétiques.

Carla Bruni vous a écrit Déranger les pierres, qu’elle chante aussi sur son album. Idem pour Maxime le Forestier avec Restons amants…

Déranger les pierres était pour moi au départ. Comme chacun d’eux était en train de bâtir leur propre album, de chercher des chansons, nous avons tous gardé nos versions. Maxime a fait quelque chose de très différent de moi musicalement. Carla elle, est restée plus proche.

Les femmes sont toujours aussi présentes dans vos chansons.

C’est ce que j’inspire aux auteurs apparemment. Je ne sais pas pourquoi. Ma voix sans doute. Pourtant ma voix m’échappe tellement. Quand je pense aux conditions dans lesquelles j’ai fait mes débuts. J’étais parti en Corse avec un ami. Là, nous avons croisé des musiciens qui cherchaient un chanteur. Ils jouaient les hit-parades de l’époque : Redding, Antoine, les Beatles, les Stones, les Kings… Je leurs ai dit : ok moi je peux chanter. J’ai répété toute l’après-midi avec mon mange-disque et mes 45 tours, et le soir, j’ai chanté.

Vous préparez votre tournée ?

Oui, nous allons commencer les concerts très vite, vers la fin de l’année. Je vais essayer d’inviter ceux qui ont participé à l’album. Et puis, je vais faire des concerts plus proches des gens, sur le modèle de ceux que j’ai donnés lors de ma précédente tournée dans les petits théâtres. La difficulté sera de recréer cette proximité de ces petites salles dans des lieux d’envergure.