Pour moi (j'avais 11ans et demi) c'est le souvenir de vacances supplémentaires de près d'un mois (là, mes souvenirs d'enfance exagèrent peut-être... mais c'est l'impression que je garde) avec un temps superbe.
Mes parents, enseignants et grévistes, ne me mettaient pas au Lycée Fromentin où j'étais en 6ième.
Par contre, j'ai le souvenir de la crainte ambiante de pénurie: plus de sucre dans les magasins (tout le monde ou presque avait fait des réserves), les rues presque vides, les queues énormes aux pompes à essence au bout du Gabut (à l'endroit du parking en cours de construction actuellement, il y en avait deux: une Esso et une Total).
Curieusement, il m'en reste un goût de fin du monde et de liberté en même temps.
J'ai par contre UN souvenir précis de ce mois là: la tête de mon père en Vendée.
Il s'était mis dans la tête de ramener à LR un de mes frères aînés qui était étudiant à Nantes. Je ne sais pas pourquoi, la crainte d'événements plus graves sans doute.
Remarque, il a peut-être bien fait, vu que le frangin a avoué bien des années après que, sage étudiant en Mathématiques, il avait quand même balancé quelques caillasses et quelques bouteilles sur les flics dans les barricades et les manifs mais bon...
Nous voilà partis avec la DS19 (pour les connaisseurs: modèle 63, phares ronds sans projecteurs supplémentaires, roues à vis unique dans le moyeu, 1856cm3 (ou 1985 j'ai un doute), boîte de vitesse mécanique (et c'était la première année sur la DS qui n'avait jusque-là été proposée qu'en transmission semi-automatique), pas de reprise en 4ième, poignées extérieures à boutons, frein bouton si problématique pour les débutants avec sa course d'environ 8mm, bruit de Traction Avant quand on montait en régime puisque c'était à peu près le même moteur).
Fin de l'aparté technique.
Nous voila donc partis disais-je, papa, maman, la bonne et moi (c'est un hommage à un sketch à moitié chanté de Robert Lamoureux qui faisait fureur à l'époque: "papa, maman, la bonne et moi"), moi puisque je n'avais rien d'autre à faire de toutes façons.
Et puis j'étais bien content de l'aventure et du voyage.
Aventure il y a eu en effet:
comme je l'ai écrit plus haut, on ne trouvait plus d'essence à La Rochelle. Nous sommes donc partis vers Nantes avec un réservoir peu rempli, avec l'espoir, disons même la quasi-certitude que, dans les campagnes, on trouverait bien une petite station qui aurait encore un peu de stocks.
Mais je revois la gueule de mon père qui s'allongeait au fur et à mesure que l'on avançait vers Nantes. Il s'arrêtait dans toutes les stations: RIEN; il conduisait de plus en plus lentement: mais l'aiguille se rapprochait inexorablement du zéro. Le visage de mon cher papa commençait à prendre des teintes gris-bleu, quand nous avons vu au 2/3 du trajet une station où quatre ou cinq voitures faisaient la queue: il restait donc quelques gouttes, peut-être les 10-15 litres dont nous avions besoin pour revenir à LR.
Mon papa est redevenu un peu plus rose, et on a ramené le frangin.
Et moi à l'âge que j'avais j'ai trouvé tout ça très rigolo.