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| Sujet: Régine Chopinot quitte La Rochelle Ven 23 Mar 2007, 20:33 | |
| - Citation :
- Régine Chopinot, 54 ans, danseuse et chorégraphe. Elle quitte La Rochelle, où elle dirigeait le centre chorégraphique, et expose les costumes de ses ballets signés Jean Paul Gaultier.
C'est une meneuse de troupe, une radicale, une forte tête au tempérament d'insurgée. Elle a le cheveu court, blond peroxydé, et la pupille noir panthère laqué. Porte des pantalons larges et du sweat-shirt trois bandes zippé, des croquenots au cuir craquelé et des chaussettes japonaises. Se déchausse illico parce que, pieds nus, elle se sent mieux pour respirer. Elle aime le voyage immobile que lui procure le vouvoiement mais tutoie d'emblée. Son sourire, comme celle des rappeurs, laisse apparaître une dent de devant qu'elle a tout en or. Chez elle, le discours anime d'abord le corps. Son verbe s'est musclé au fil de ses étirements, elle est entrée dans la danse à 5 ans. Centrée sur un corps fusible et élastique, Régine Chopinot se pose toujours dans un perpétuel mouvement. C'est une femme papillon avec des bottes de sept lieues plombées par un passé qu'elle saluerait volontiers d'un «bon débarras». Ses pièces chorégraphiques ont le goût du décalé. Du tutu revisité à la mise en scène pied de nez, elle a monté la plupart de ses spectacles en collaboration avec le couturier Jean Paul Gaultier. Les deux talents offrent l'étoffe de leur insolence, faite de quatre-vingts silhouettes, lors d'une exposition au musée des Arts décoratifs, à Paris.
Régine Chopinot aime la sape. Celle de la rue, comme individualité et manière de se signer. Va jusqu'à préciser qu'elle découpait, adolescente, «comme une maniaque», les magazines pour placarder sa mode sur toutes les portes. Au début des années 80 et au culot, elle demande à Gaultier d'habiller ses ballets. «J'avais compris qu'en lui je pouvais me retrouver.» S'en est suivie une décennie où leurs méninges n'ont cessé de délivrer des costumes taillés à leur mesure. Jean Paul Gaultier : «Régine est indépendante, volontaire, créative, anarchiste, rigoureuse, combative et jusqu'au-boutiste. Elle apporte à la danse un regard très personnel, une véritable intégrité.» De Gaultier, elle dit : «Nous sommes issus de la génération "no future", une génération que l'on ne pourra jamais cloner. Il a cette double capacité de penser le costume en mouvement, c'est un architecte du corps, un champion de la couleur qui fabrique de la pensée. Nous nous sommes découvert une tendresse pour notre passé, une envie de le mettre à l'abri pour préserver notre fantaisie et ce qui nous reste de légèreté.»
Ils travaillent ensemble jusqu'en 1993, scellant, comme dans une transe, un couple fait de costumes et de danse. Puis a germé chez cette tisseuse de ballets contemporains l'idée de délester sa mémoire du poids du passé. «Je suis une femme de mille ruptures, j'exagère toujours, avec cette complexité d'être guerrière et docile à la fois. J'ai une peur archaïque du souvenir et de son poids et la phobie de jeter pour me réinventer. L'idée est venue de ma soeur, Michèle Prélonge, qui a ressorti l'ensemble de nos créations, cela faisait treize ans qu'on ne les avait plus touchées.» Et, pour réinitialiser la mémoire, la naphtaline a valsé.
Cela fait vingt et un ans que Chopinot, symbole de la danse contemporaine et prototype de la décentralisation culturelle, dirige le centre chorégraphique national de La Rochelle. Elle y arrive en 1986 avec l'ambition de remonter certaines pièces comme le Saut de l'ange de Dominique Bagouet. Elle veut un corps de ballet contemporain, et nourrit l'espoir d'une danse subversive, inventive et provocante. «J'ai voulu apporter au coeur du système qu'est l'institution le goût de l'actualité, de la différence et du métissage avec une palette d'individus indépendants comme je l'ai toujours été.» Elle dit ne jamais «avoir perdu la conscience de l'autre» et prend radicalement position en faveur des intermittents du spectacle. Elle finit par perdre le soutien financier d'une de ses tutelles, le département. Pour elle, «les centres chorégraphiques nationaux étaient une magnifique idée. Ce sont en fait les soubassements d'une structure qui n'a jamais été construite. Le building n'aura jamais été érigé. Ce n'est pas un oubli politique, car c'est volontaire d'oublier. Je crois que nous sommes cuits». Son mandat s'achève, elle a formulé au ministère de la Culture son désir de recréer un lieu dans une ville plus grande. Chopinot est en partance.
Il y a, dans son histoire, l'Algérie pour point de départ. Son père est agent de maîtrise pour une exploitation pétrolière, sa mère, institutrice. Elle regagne la métropole, seule, à l'âge de 8 ans, pour débouler dans le fief familial, à Bourg-en-Bresse. Ses parents et sa soeur cadette, eux, rejoignent le Sahara et ne reviendront en France, dans la banlieue de Lyon, que huit ans plus tard. «Je suis partie seule, comme un oiseau, sans conscience émotionnelle ni politique. Mais j'ai gardé cette expérience de l'autre, de l'autre rive, de l'autre endroit. D'une chose très animale, très instinctive, épidermique et sans analyse.» Ses parents, elle les range dans la classe moyenne et en dit : «Ils sont charmants, mais il a fallu des années pour que j'en parle avec justesse.» Elle précise avoir eu du mal à accepter son prénom. Furieuse de s'appeler Régine comme l'institutrice de sa mère, elle se fait appeler Chopinot. Evoque sa soeur cadette, qui, danseuse comme elle, finit par lâcher le justaucorps pour devenir documentaliste. Décrit une enfance au bord de la mer, dans les environs d'Alger. Garde comme un tatouage le souvenir de sa grand-mère maternelle. Met en scène la douceur de «cette femme hippocampe», à qui, in memoriam, elle a consacré un ballet. «Là-bas, tous les soirs je m'asseyais sur ses genoux face à la mer, il y avait la chaleur des corps et elle m'a tout appris, y compris à regarder le même horizon tout en s'en dessinant d'autres.»
En France, Chopinot n'a de cesse de se jeter dans la danse, portée par le désir de «rester au plus près de soi, de ne transiger sur rien». Elle découvre le cinéma d'art et d'essai, se crée ses utopies, se goinfre de Godard et de Fellini. Embrasse la philosophie, la poésie, décroche un baccalauréat littéraire, et se décrit à 18 ans «grouillante de désirs et de questionnements». Le père de Pierre, son fils, a 18 ans comme elle quand il naît. «J'ai vécu cet enfant de manière intuitive, c'était pour moi une manière forte de m'inscrire dans la vie.» Elle délaissera un peu la danse, pour bouffer des petits boulots, manutentionnaire chez Danone, vendeuse de chaussures, elle prend des cours en échange d'un poste de standardiste au centre de la danse de Lyon. En 1978, elle fonde sa compagnie. Reçoit trois ans plus tard le deuxième prix au concours international de chorégraphie de Bagnolet. Son deuxième fils, Lou, naît en 1984, il n'est pas du même père que l'aîné. Deux ans plus tard, elle est nommée directrice du centre chorégraphique de La Rochelle.
Chopinot ne parle pas essentiellement du présent. Ne dit pas son salaire («Je ne vois pas ce que cela vous apporte»), se revendique de gauche en expliquant qu'une femme au pouvoir lui plairait bien. Aujourd'hui, elle a envie de cinéma, d'un film d'Ozu ou de Kurosawa. Elle dit aussi qu'elle passe son temps à se piéger. Se demande comment elle détournera son émotion de cet improbable face-à-face avec sa mémoire. Comme épinglée dans un musée. Probablement avec le sentiment bizarre de s'apercevoir que ce qu'elle croyait fané continue de frétiller.
Régine Chopinot en 7 dates: 1952 Naissance à Fort-de-l'Eau (Algérie). 1978 Jardin de pierres. 1985 Le Défilé, avec Jean Paul Gaultier. 1995 Végétal, avec Andy Goldsworthy. 2004 WHA, avec Jean-Michel Bruyère. 2006 O.C.C.C., dernière création de la compagnie. 22 mars au 23 septembre 2007 Exposition au musée des Arts décoratifs. (Source: Libération) | |
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Kassy Administrateur
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| Sujet: Re: Régine Chopinot quitte La Rochelle Ven 23 Mar 2007, 20:43 | |
| Un personnage qui s'est bien inscrit dans le ciel rochelais... Une "grande gueule" mais une sacrée bonne femme. A bientôt ailleurs, Régine... | |
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